

Deux vues prises sous le même angle à quelques années d’intervalle
Dans le centre de Maisons-Alfort, l’église Saint Rémi dresse fièrement son clocher depuis le XII° siècle. Autour de cet édifice, le bourg de “Maisons” s’est développé avant d’être rattaché à celui d'”Alfort”. Il y a 1000 ans, les villages se bâtissaient en escargot autour de l’église et du cimetière qui la jouxtait. L’existence d’un cimetière au centre de Maisons-Alfort est avéré par la découverte d’ossements mis à jour lors de travaux dans les années 1980.
Les maisons agglomérées autour de l’église sont donc en général les plus anciennes du village. C’est à un groupe de ces maisons que nous allons nous intéresser dans cet article. celles-ci n’ont pas été construites il y a 1000 ans mais probablement vers le début du XVIII° siècle et on été détruites entre 1961 et 1965 pour les plus proches de l’église et dans les années 90 pour les dernières qui constituaient le presbytère (reconstruit au même endroit). Il s’agit des petits bâtiments que nous voyons sur les deux cartes postales ci-dessus qui constituaient les numéros 2 à 6 rue des cochets, devenue rue Victor Hugo après la mort du grand écrivain (1885). On peut constater que ces maisons modestes qui abritaient des commerces s’articulaient encore jusqu’à une époque récente de la même façon qu’il y a un millénaire, tel un “cocon” autour de l’église protectrice..

Une vue sous un autre angle avec le départ sur le côté droit de l’image de la rue des bretons, réputée être la plus ancienne de Maisons-Alfort.
Une fois n’est pas coutume, nous n’allons pas nous intéresser à la construction de ces maisons mais à leur disparition et à leur trace toujours présente pour qui sait la voir… Cet ensemble immobilier était construit très près de l’église, légèrement en saillie sur la rue et ne présentait aucun intérêt architectural. On peut facilement imaginer que sa démolition, une vingtaine d’années après la seconde guerre mondiale, au début des fameuses “30 glorieuses”, a été dictée par un côté pratique à une époque ou l’industrie automobile se développait très rapidement. La période était aux agrandissements de chaussées afin de pouvoir circuler sans entrave avec son véhicule et c’était aussi l’époque où l’ont dessinait les premières esquisses de Créteil et de toutes les villes nouvelles de la région parisienne.
Donc, on casse, on arase, on aménage le premier parc de l’église qui perdurera jusqu’aux années 2000 et on oublie ces vieilles maisons poussiéreuses qui rappellent le passé… Car, en effet, aujourd’hui, la place de l’église au centre de Maisons-Alfort, c’est ça :

La place de l’église de Maisons-Alfort en 2019
A priori, sur cette vue moderne, rien de subsiste des quelques maisons qui constituaient un îlot dans le jargon architectural et immobilier et personne ne peut savoir qu’à cet endroit, des commerçants vivaient et vendaient leurs articles aux Maisonnais.
Néanmoins si on sait où regarder, on constatera que leur trace perdure…
Retour vers le passé : nous sommes certainement au XVIII° siècle, ce groupe de maisons est bâti et s’étend sur le début de la rue Victor Hugo comme nous pouvons le voir sur cet extrait de “plan du bourg” qui figure au musée de Maisons-Alfort.

On voit bien le groupe de maisons qui nous intéresse et on remarque également qu’il existait aussi un autre construction de forme carrée, empiétant sur la rue et qui a été démolie il y a longtemps ; en tout cas, elle ne figure pas sur les cartes postales du début XX° siècle.
A gauche, la maison très ancienne déjà démolie est surlignée.
A droite, la forme du groupe de bâtiments qui nous intéresse est surlignée.


De ces bâtiments devenus poussière, il reste donc une trace. Ce ne sont pas des marques sur la chaussée, ni un écriteau historique mais plus étonnamment, il faut se tourner vers l’administration et plus précisément le service du cadastre, l’organisme qui recense et répertorie toutes les propriétés foncières.
Dans le registre du cadastre, il se trouve que les délimitations des terrains de cet ilôt existent toujours administrativement. C’est très rare car en général, les terrains qui ne sont plus construits sont supprimés ou regroupés avec d’autres.
Ci-dessous, un extrait de la matrice cadastrale de ce secteur de Maisons-Alfort nous présente bien le tracé de ces anciens terrains sur lesquels se trouvaient nos maisons. Le dessin des aménagements du nouveau parc vient se superposer dessus, nous donnant la possibilité de repérer précisément où se trouvaient les différentes parcelles.

Il est probable que la commune de Maisons-Alfort se soit portée acquéreur de ces terrains et que ne souhaitant pas rebâtir dessus, elle n’ait pas pris la peine de remembrer ces petites parcelles en une grande.
Ceci nous permet donc de retrouver la trace ancienne de ces habitations que personne ne peut plus voir mais qui restent tout de même présentes. En se mélangeant aux délimitations de constructions plus modernes, nous vivons un télescopage entre l’ancien et le nouveau Maisons-Alfort, nous faisant faire un grand écart de plusieurs siècles…
Nous finirons sur une note amusante avec ce montage qui montre l’emprise des terrains et l’emplacement approximatif de ces maisons sur la carte du cadastre actuel.

Le mot de la fin pour souligner que c’est dans les détails que se nichent des histoires réelles mais également un peu imaginaires car forcément romancées. Sans mon métier d’agent immobilier, je n’aurai pas remarqué ce détail sur les fichiers du cadastre et comme je connaissais l’existence de ces vieux commerces de Maisons-Alfort pour les avoir vus sur des cartes postales, j’ai tout de suite compris que l’on pouvait en tirer une histoire comme je les aime. Le fait que ces terrains se trouvent à quelques mètres de mon lieu de naissance et du lieu de vie de mes ancêtres qui exploitaient une ferme rue des bretons n’est surement pas étranger, non plus, à tout ça !
Il suffit juste d’être curieux pour partir vers une aventure qui, reliant le passé avec le présent, nous donnera une impression de voyager dans le temps…