L’évocation de l’ancien quartier des vins de Bercy fait forcément penser à l’actuel « Bercy village », cour St Emilion,  aménagé sur son emplacement. Fort heureusement, lors de la conversion de ce site dans les années 90, l’aménageur a eu la bonne idée de conserver une partie de ce patrimoine. Plusieurs bâtiments ont été rénovés et quelques allées ont été préservées dont certaines conservent encore les rails prévus pour le cheminement des wagons de chemin de fer qui chargeaient les caisses et barriques. La plus belle partie préservée abrite le musée des arts forains et n’est ouverte que quelques semaines par an lors de la fête foraine de fin d’année ou à l’occasion d’évènements privés. L’autre partie, plus connue, a été aménagée en rue piétonne et accueille de nombreuses boutiques et restaurants. Le succès est au rendez-vous car le lieu est très fréquenté notamment grâce à un complexe de cinéma qui draine de nombreux spectateurs. Mais il faut savoir que le quartier des grossistes en vins s’étendait bien au-delà des limites de Paris et débordait jusqu’à Charenton, de part et d’autre de la voie de chemin de fer. La construction du périphérique a isolé cette partie « hors Paris », ce qui en a préservé une partie. En effet, de nos jours, plus aucune activité ne subsiste dans le secteur compris dans la capitale tandis qu’il en reste des traces importantes à Charenton Le Pont dont une partie est toujours en activité. Dans ce secteur, deux sites importants se remarquent :
  • Les anciens établissements Byrrh installés dès 1916 et aménagés jusqu’en 1924. Certains des bâtiments de la rue de l’arcade ont été démolis (certainement lors de l’aménagement du quartier dans les années 80) mais la majeure partie est encore présente. On distingue d’ailleurs encore l’emplacement où étaient positionnés les lettrages « Byrrh » et les frises représentant des feuilles de vignes. Ces bâtiments abritent aujourd’hui les magasins industriels de l’assistance publique.
La façade principale de l’ancienne usine « Byrrh »
L’autre façade de la rue des arcades dont les murs en escalier terminent les verrières monumentales.
Les feuilles de vignes témoignent du passé de ce bâtiment.
L’ancienne marque encore visible.
Les bâtiments présents sur cette carte postale ancienne semblent avoir tous disparus.
  • Le siège et l’usine des établissements « La martiniquaise – Porto Cruz » qui sont encore en activité. Il suffit de se promener aux alentours pour humer une odeur d’anis : c’est en effet ici que se fabriquent, entre autres, certains pastis. Cette société créée en 1934 est présente depuis très longtemps à Charenton et se positionne aujourd’hui comme le numéro 2 du secteur derrière le puissant groupe « Pernod-Ricard ».
L’entrée de l’usine « La martiniquaise – Porto Cruz » rue Necker, dernier site du quartier des vins de Charenton encore en activité.
Une autre façade rue du port aux lions.
Les camions-citerne livrent l’alcool pur.

A noter également que le passé industriel de ce quartier se retrouve dans certains petits détails :
– il existe toujours une rue de l’Hérault, faisant référence à un lieu en rapport avec le vin.
– autrefois, une voie se nommait rue Bordelaise, son tracé existe toujours et porte le nom de rue Robert Grenet (à ne pas confondre avec la rue des Bordeaux qui désigne des établissements de plaisir au pluriel !).
– La rue Necker se nommait autrefois rue de l’entrepôt.

Ce bar-restaurant encore en activité situé dans le prolongement des usines a du voir passer des générations d'ouvriers et de cadres.

Malheureusement, ces installations, derniers vestiges de ce quartier du vin, risquent de disparaitre d’ici quelques années car un énorme programme de restructuration du quartier est enclenché. Ce projet va remanier profondément le secteur entre Paris et Charenton en prolongeant une voie afin que les deux quartiers soient connectés. Une grande dalle va être créée à proximité de l’emplacement des anciens établissements « Byrrh » et de l’usine « La martiniquaise » pour accueillir des immeubles, le plus emblématique devant faire 60 étages pour 180 mètres de hauteur ! Bien que construit en 1990, le centre commercial devrait également être supprimé et détruit.

Il est probable que les façades des anciens établissements Byrrh soient préservées puisqu’elles figurent à l’inventaire des monuments historiques mais hormis cette construction, peu des bâtiments industriels de ce secteur de Charenton Le Pont ne devraient subsister. C’est dommage car il s’agit des derniers témoins du négoce du vin présent à cet endroit depuis des siècles…  Certes, le projet de rénovation de ce quartier est prometteur et il faut bien aller de l’avant mais on peut regretter que tout ce patrimoine disparaisse.

Le projet devant se concrétiser vers 2035, il nous reste encore quelques années pour flâner dans le coin, le long de ces deux ouvrages qui fleurent bon le style architectural début XX° siècle et nous rappelle que Charenton a eu un passé industriel.

Le service livraison en activité vers 1930. Ce bâtiment existe toujours.
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